quinta-feira, 16 de junho de 2011

Extrait du Gai Savoir de Nietzsche (tema de exame de Filosofia, 16.06.2011)

Extrait du Gai Savoir de Nietzsche

Extrait
« Nous disons bonnes les vertus d’un homme, non pas à cause des résultats qu’elles peuvent avoir pour lui, mais à cause des résultats qu’elles peuvent avoir pour nous et pour la société : dans l’éloge de la vertu on n’a jamais été bien « désintéressé », on n’a jamais été bien « altruiste » ! On aurait remarqué, sans cela, que les vertus (comme l’application, l’obéissance, la chasteté, la piété, la justice) sont généralement nuisibles à celui qui les possède, parce que ce sont des instincts qui règnent en lui trop violemment, trop avidement, et ne veulent à aucun prix se laisser contrebalancer raisonnablement par les autres. Quand on possède une vertu, une vraie vertu, une vertu complète (non une petite tendance à l’avoir), on est victime de cette vertu ! Et c’est précisément pourquoi le voisin en fait la louange ! On loue l’homme zélé bien que son zèle gâte sa vue, qu’il use la spontanéité et la fraîcheur de son esprit : on vante, on plaint le jeune homme qui s’est « tué à la tâche » parce qu’on pense : « Pour l’ensemble social, perdre la meilleure unité n’est encore qu’un petit sacrifice ! Il est fâcheux que ce sacrifice soit nécessaire ! Mais il serait bien plus fâcheux que l’individu pensât différemment, qu’il attachât plus d’importance à se conserver et à se développer qu’à travailler au service de tous ! » On ne plaint donc pas ce jeune homme à cause de lui-même, mais parce que sa mort a fait perdre à la société un instrument soumis, sans égards pour lui-même, bref un « brave homme », comme on dit. »

Introduction
Dans son texte, Nietzsche oppose les conséquences que peuvent avoir les vertus pour un homme lui-même ou pour les autres.  Il critique par là-même les moralistes qui font l’éloge de la vertu sans s’apercevoir que les vertus ne sont en fait que des passions qui sont la source des nos dérèglements les plus nuisibles. En fait qu’appelle-on vertu ? Nietzsche entend inverser, par une étude du vocabulaire, le sens que l’on donne à ce mot. Il montre que loin d’être sujet d’éloge, la vertu n’est autre que la réalité de la condition humaine faite de désirs, de passions et d’instincts qui ne sont pas du tout louables. Il semble que l’auteur veuille un renversement des valeurs de la morale pour faire comprendre le déguisement d’une nature humaine qui ne nous plait pas. Mais l’homme est-il défini par ses instincts qui seraient bénéfiques pour lui-même et pour la société ? C’est ce que l’on doit étudier en comprenant l’intérêt de Nietzsche à dénoncer ce qui nous empêche d’accéder à la vie véritable faite de puissance et d’élans créatifs.

Premier moment
« Nous disons » signifie que dès le début, Nietzsche dénonce un langage qui masque la réalité, le langage de la morale qui fonde les maximes, conseils, règles ou sentences sur une illusion. Nous disons « bonnes les vertus » montre la contradiction d’appeler bon quelque chose qui nie la nature humaine : le désintérêt et l’altruisme. Tout se passe comme si l’homme agissait en faisant le deuil de ses propres intérêts et par souci du bien d’autrui. Or, il y a dans toutes nos actions, un conflit entre nos intérêts et ceux d’autrui que l’on ne peut passer sous silence.

Deuxième moment
« On aurait remarqué sans cela… » Par des exemples, Nietzsche va montrer que ce que nous appelons vertus ne sont en fait que le déguisement de nos instincts mais que leur exercice étant nuisible pour soi même on les transforme en vertus pour autrui. Cette étrange alchimie montre que les vertus comme la chasteté, la piété sont des inventions des moralistes pour fonder un lien social (dans la religion par exemple ou dans la société du travail (application, obéissance) ou dans la société politique (justice). Il s’agit de fonder des liens qui répriment les instincts en instituant des règles de maintien d’un ordre fictif. Mais ces instincts sont puissants, ils sont la marque de l’homme. Ces instincts sont de véritables forces, ces instincts ne sont autres que des désirs qui permettent la créativité et l’affirmation de la vie si on les laisse s’exprimer. On sait que pour Nietzsche l’art a pour origine cet élan dionysiaque sans lequel la création ne serait pas possible. La vertu, en ce qu’elle contrarie les instincts, empêche la puissance de l’homme de s’exprimer.

Troisième moment
« On loue l’homme zélé… » L’auteur illustre ses affirmations par l’exemple d’un homme zélé c’est-à-dire engagé de toutes ses forces dans son travail. Cet homme use ses forces pour le bien de la société fondée sur la valeur travail mais cet homme vit comme un esclave privé de toute jouissance et perdant ses qualités, sa créativité, sa vie même au service d’une morale contre nature. Au nom de l’obéissance à une société, l’individu se dénature ; au nom de la morale on perd l’humanité, morale qui, dira Nietzsche par ailleurs, est celle des faibles (en écho au personnage Gorgias de Platon du dialogue éponyme).
Peut-on dire que la société avilie, tue l’individu ? Ce qu’affirme l’auteur, c’est que c’est au nom de la morale que la société permet ce combat : elle transforme la source créative en « brave homme » au nom de la société. On pourra se demander ce que serait une société où l’homme laisse libre cours à tous ses instincts et ne le considère plus comme un instrument.

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