terça-feira, 17 de julho de 2012

Pierre Moscovici : "Le coût du travail n'est pas le principal problème"


Pierre Moscovici : "Le coût du travail n'est pas le principal problème"

LE MONDE |  • Mis à jour le 

Le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, le 22 juin à Paris.

Suppressions d'emplois chez PSA, projet de loi de finances rectificative, traité budgétaire : Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, répond aux questions du Monde.


François Hollande a redit le 14 juillet vouloir renégocier le plan de PSA qui prévoit 8000 suppressions d'emplois. Jusqu'où renégocier ?
Comme tout le monde, j'ai ressenti un choc à l'annonce du plan de PSA. Et c'est d'abord à ses salariés et à leurs familles que je pense. Je suis très préoccupé par la situation de PSA. C'est une très grande entreprise française dans un secteur, l'industrie automobile, qui est l'un des symboles du made in France. C'est un constructeur qui a gardé sa production et son emploi sur le sol national.
Mais il n'est pas acceptable de laisser un plan qui supprime 8000 emplois se déployer sans analyse approfondie et recherche d'une solution industrielle pour chaque site, pour chaque situation humaine.

Le président de la République dit qu'Aulnay doit rester un site industriel ? Est-ce à dire un site PSA ?
Aulnay doit rester un site industriel, ce qu'a dit le chef de l'Etat est parfaitement clair. Il faut limiter les suppressions d'emplois, faire en sorte qu'aucun licenciement sec n'ait lieu et s'assurer du sort de chaque site. C'est ce à quoi nous travaillons.

Si nécessaire, l'Etat pourrait-il entrer au capital de PSA ?
Il y a d'autres moyens d'action pour bâtir un plan automobile structurel et crédible. L'Etat n'est pas démuni.

Philippe Varin, le patron de PSA, vous demande de baisser massivement le coût du travail. Que lui répondez-vous ?
Cette question n'est pas un tabou. Mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à M. Varin, le coût du travail n'est pas le seul ni le principal problème qui explique la perte de compétitivité française et les difficultés de PSA.

Vous pensez donc que le coût du travail n'est pas un sujet ?
Il y a dix ans, nous avions un avantage en matière de coût du travail sur l'Allemagne. Nous l'avons perdu, mais le coût du travail en France n'est pas supérieur de manière significative à celui que l'on trouve outre-Rhin. Ce n'est pas ça qui explique que l'Allemagne continue de produire plus de 5,5 millions de véhicules, soit 200 000 de moins seulement qu'il y a dix ans, alors que la France n'en produit que 1,9 million, soit 1,5 million de véhicules de moins.
Il faut aussi regarder la stratégie des entreprises sur les marchés émergents, le positionnement en gamme de leurs produits, ce qu'on appelle la compétitivité hors prix.

Renault, qui va mieux que PSA, ne s'est pas positionné sur le haut de gamme et a délocalisé. N'êtes-vous pas face à un paradoxe ?
Je souhaite que PSA continue à investiremployer et fabriquer en France.

Sur le coût du travail, vous travaillez pourtant sur un transfert des cotisations sur la CSG ?
Nous ne pouvons pas continuellement avoir des charges sociales qui pèsent sur le travail. La CSG est une piste parmi d'autres.

Vous avez décidé de supprimer les exonérations de charges sociales et la défiscalisation des heures supplémentaires. Est-ce dire que vous opposez l'emploi au pouvoir d'achat ?
On ne peut pas opposer l'un à l'autre. La demande est un élément de la croissance et de l'emploi. Pour autant, nous assumons tout à fait cette suppression de l'une des mesures les plus importantes de la loi TEPA de 2007. Cette mesure a créé des effets d'aubaine pour un certain nombre d'entreprises qui ont préféré avoir recours à ces heures supplémentaires défiscalisées plutôt que d'embaucher.

Pour les Français qui en bénéficiaient, c'était une mesure de soutien à leurpouvoir d'achat...
Cette mesure profitait à ceux qui pouvaient faire des heures supplémentaires, ils sont entre 8 et 9 millions de personnes. Ceux-là pourront évidemment toujours en bénéficier. D'ailleurs, une entreprise a recours aux heures supplémentaires parce qu'elle en a besoin, pas parce qu'elles sont défiscalisées. Et avec une croissance plus riche en emploi, les entreprises seront incitées à embaucher davantage. Donc il y a dans ce chiffre que donne la droite de perte de pouvoir d'achat quelque chose de largement fictif !

La France échappera-t-elle à la récession ?
Nous pouvons y échapper. L'Insee table pour le troisième trimestre sur 0,1 % de croissance. Mais nous héritons d'une économie en souffrance. Et ce quinquennat aura deux temps : un temps de redressement dans la justice puis un second temps permettant de tirer les fruits d'une croissance plus forte.
Dans la phase de redressement, l'équation est extrêmement compliquée. Un effort de 33 milliards d'euros est nécessaire pour redresser les comptes publics en 2013. Nous y travaillons. Il faut limiter l'effet de cet ajustement sur notre économie et répartir l'effort de manière juste. C'est ma responsabilité de tracer cette voie étroite entre redressement des comptes, croissance et compétitivité des entreprises.
Nous voulons en particulier préserver et accroître le pouvoir d'achat des couches populaires et moyennes – dont la propension à consommer est la plus forte – afin de maintenir allumé le moteur de la consommation. C'est pourquoi nous solliciterons en priorité ceux dont les capacités contributives sont les plus fortes. Et c'est aussi la raison qui nous a poussés à supprimer la TVA sociale, qui aurait eu un puissant effet récessif sur notre économie et aurait ponctionné laconsommation des ménages à hauteur de 12 milliards d'euros.

Instaurer une taxe à 75 % sur les revenus au-delà d'un million d'euros ne risque-t-il pas d'inciter les entreprises à installer leurs plus hauts cadres à l'étranger ?
Il ne s'agit en rien d'une mesure punitive mais bien d'une mesure patriotique : quand on gagne plus d'un million d'euros de revenus par an, on peut apporter une contribution exceptionnelle à l'effort que consent le pays dans cette situation de crise.

"Exceptionnelle", c'est-à-dire ?
Ce qui est exceptionnel, c'est le niveau de certains revenus. Nous cherchons la manière la plus intelligente de faire cette contribution, et nous la ferons.

Vous avez dit que vous souhaitiez réguler la rémunération des patrons du privé. Comment ?
J'ai lu dans votre journal les propos du délégué général de l'UIMM [Union des industries et des métiers de la métallurgie], Jean-François Pilliard, selon lequel, à ce sujet, "certains ministres avaient été inutilement agressifs". J'ai téléphoné immédiatement à Laurence Parisot [la présidente du Medef]. Il est quand même curieux – et pour tout dire pas convenable – que le représentant de l'UIMM, qui n'était pas présent à la table ronde de la conférence sociale où ce sujet a été évoqué, porte ce genre de jugement.
Cette table ronde s'est déroulée dans les meilleures conditions et dans la plus parfaite courtoisie. Le représentant du Medef y a participé dans un bon esprit. Assez de mauvaise foi, donc, et du calme ! Soyons clairs. Il n'y a aucune volonté de la part du gouvernement de stigmatiser les dirigeants d'entreprises. C'est le contraire. Nous souhaitons encourager les entrepreneurs, les innovateurs, les créateurs. La culture d'entreprise n'est pas de droite et, dans le dialogue et la recherche du compromis, nous devons avancer ensemble.
Mais, dans notre pays comme ailleurs, on a assisté à une hausse des inégalités qui est devenue injustifiable. Certaines rémunérations sont sans aucune relation avec les performances économiques. C'est cela qu'il faut réguler, y compris en légiférant. Nous avons commencé à le faire dans des entreprises publiques, en limitant à 20 l'écart entre le plus bas salaire et celui des mandataires sociaux, ce qui laisse un salaire de 450 000 euros annuels pour ces derniers. J'ai consigne de la part du président de la République et du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, d'appliquer cela de manière très stricte. Il n'y aura pas d'accommodements. Un décret sera pris d'ici à la fin du mois de juillet.
Pour ce qui est du secteur privé, plusieurs pistes ont été évoquées lors de la conférence sociale : la transparence, la présence de représentants des salariés dans les comités des rémunérations ou les conseils d'administration, l'implication des institutions représentatives du personnel, ainsi qu'une réflexion sur certains rémunérations annexes – retraites chapeaux, parachutes dorés, stock-options – sur lesquelles le législateur aura à se prononcer. Ces pistes, nous les étudierons dans la concertation, mais le gouvernement prendra in fine ses responsabilités.

Ne craignez-vous pas des départs chez les patrons d'entreprises publiques ?
Que certains à titre personnel éprouvent un mécontentement à gagner moins, ce n'est pas illogique. Mais je n'ai pas vent aujourd'hui qu'un quelconque patron d'entreprise publique soit prêt à renoncer à sa charge au motif que sa rémunération baisserait.

Ce gouvernement a-t-il fait trop de concessions à Angela Merkel en lançant la ratification du traité budgétaire ?
La droite caricature notre relation à l'Allemagne. Nous serions en train de défaire un capital précieux qu'auraient construit Nicolas Sarkozy et Mme Merkel. C'est faux. Après les fanfaronnades de M. Sarkozy, il y a eu la soumission de Paris à Berlin. Aujourd'hui, la relation entre François Hollande et Angela Merkel est bonne – elle est saine et franche. Mais nous avons changé de méthode, en associant l'Italie et l'Espagne, en respectant les institutions européennes. Nous sommes dans la fabrication de compromis positifs.
Le président de la République avait dit pendant la campagne qu'il ne soumettrait pas le traité budgétaire à ratification s'il n'y avait pas de réorientation substantielle de la construction européenne. Son élection a fait bouger les lignes, et nous avons obtenu plus en termes de gouvernance et de croissance. Aujourd'hui, les conditions sont remplies pour que ce traité, avec les compléments qui ont été dégagés, soit soumis à ratification.

François Hollande a déclaré que, quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel qui doit se prononcer sur le traité, la règle d'or ne figurerait pas dans la Constitution. Comment faites-vous ?
La règle d'or n'a pas sa place dans notre Constitution, dont l'objet est d'une autre nature. Le traité lui-même ne l'exige pas. Il dit qu'un dispositif doit être mis en place, d'une force contraignante et permanente. Nous pensons qu'une loi organique suffit.

Ce traité budgétaire n'est-il pas un sujet à risque pour la gauche, y compris pour le PS?
En allant vers cette ratification, nous ne sommes pas en train d'abdiquer. François Hollande a toujours dit qu'il faudrait que la France tienne ses engagements en matière de redressement des finances publiques, parce que la dette est l'ennemie de l'économie.
La discipline budgétaire n'est pas une politique de droite. S'endetter c'est se livrerpieds et poings liés aux marchés. C'est perdre sa souveraineté. Je suis sûr que la gauche et les socialistes le comprendront, et feront confiance au président de la République.

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