quarta-feira, 30 de abril de 2008

EQUIPAS EDUCATIVAS

Parier sur l’intelligence collective


On est plus intelligent à plusieurs que seul : telle est l’idée qui irrigue le présent dossier consacré à l’équipe éducative. Plus fort pour aborder les problèmes récurrents de violence et de difficulté d’apprentissage dans les établissements. Mais travailler en équipe ne saurait relever de la simple injonction. Une volonté, un mode de fonctionnement, de l’engagement sont nécessaires, nous disent les différentes contributions et réflexions ici rassemblées.

Chahuts répétés, élèves aux comportements difficiles, échec scolaire, climat tendu... Et si la réponse était collective, apportée par l’ensemble de l’équipe éducative, celle qui réunit les enseignants et les acteurs de la vie scolaire d’un même établissement ?

Un vœu pieu ? Le travail en équipe est déjà une réalité dans la plupart des établissements classés « Éducation prioritaire » qui ont trouvé là un mode de remédiation aux problèmes de scolarité et d’indiscipline. Dans les écoles, les collèges et lycées, nombreux sont les enseignants qui collaborent entre eux pour créer des outils, monter des actions culturelles, participer à des dispositifs pédagogiques, accueillir les élèves handicapés, fonctionner en réseau1.
Cependant, on est loin des pays anglo-saxons où la pratique collégiale fait davantage partie de la culture des enseignants.
En France, le travail en équipe relève encore beaucoup du « bricolage » institutionnel. Pourtant, les textes officiels ne sont pas muets sur la question. On peut mentionner ainsi la circulaire de 19972 qui stipule : « Un professeur n’est pas seul ; au sein de la communauté scolaire, il est membre d’une ou plusieurs équipes pédagogiques et éducatives. Il est préparé à travailler en équipe et à conduire avec d’autres des actions et des projets. Il a le souci de confronter ses démarches, dans une perspective d’harmonisation et de cohérence, avec celles de ses collègues. »
Les appels à plus de coopération ne manquent pas non plus. Citons celui, tout récent, de Claude Lelièvre, professeur d’histoire de l’éducation qui, dans un entretien au Café pédagogique, déclare : « Il est tout à fait remarquable que les succès les plus probants de la lutte pour réduire l’ampleur et l’intensité des violences scolaires passent par certaines mises en œuvre collectives, par le collectif.3 »
Mais, pour travailler en équipe, le décréter ne suffit pas. Il faut une impulsion et une volonté commune, se doter d’un fonctionnement opérationnel, combattre les obstacles (trouver une salle, un créneau horaire, etc.), surmonter les inerties et les résistances4. Et ces dernières sont nombreuses, à commencer par l’attachement des enseignants à leur autonomie qui pourrait s’en trouver limitée. Tous ne souhaitent pas en effet soumettre leur pratique aux regards des collègues ni se frotter au fonctionnement du groupe.
Au sein d’une équipe éducative, il faut aussi faire avec des cultures professionnelles différentes : les unes, plus tournées vers l’éducatif, les autres, plus centrées sur le pédagogique, résultat d’un héritage tant culturel que structurel5. Enfin, il faut accepter, si ce n’est une nouvelle charge de travail, au moins d’y consacrer du temps en plus. Le tout pour des résultats rarement immédiats et parfois aléatoires.

Faire de l’enseignement un métier non plus solitaire mais solidaire
Il n’empêche, pour Christophe Maroy, sociologue à l’université de Louvain, « c’est surtout parce qu’il ne porte pas sur les enjeux professionnels les plus cruciaux pour les enseignants : gestion de classe, conditions d’apprentissage et mise en place de l’ordre scolaire, que le travail collectif est peu développé.6 » Or c’est justement sur ces thématiques que le travail en équipe s’avère des plus utiles. À commencer par les problèmes récurrents de violence dont, comme le pointe régulièrement Éric Debarbieux, « l’un des principaux facteurs de risque est l’absence d’équipe éducative stable7 ». Quand elle existe, elle constitue en effet un rempart pour ces cibles privilégiées de la violence que sont les individus isolés, élèves comme enseignants. Faire de l’enseignement un métier non plus solitaire mais solidaire, tel est l’un des enjeux du travail en équipe.
Ainsi pour Anne Barrère, enseignante en sciences de l’éducation à l’université de Lille, « il faudrait voir ce qui se passe dans les classes comme quelque chose de produit par l’organisation. Par exemple, arrêter de considérer que l’enseignant systématiquement chahuté de 5 à 6 est un problème purement individuel, quels que soient les facteurs effectivement personnels qui sont partie prenante de la situation. C’est aussi un problème collectif, qui peut avoir des incidences sur l’ambiance, les équipes, etc., et les enseignants auraient un véritable intérêt à une construction plus objectivante et plus collective de ce type de "risque du métier". La parole pourrait davantage circuler sur les classes et les élèves difficiles.8 »

Une approche concertée des problèmes permet aussi de révéler l’impact d’un collectif face à l’individualisme qui marque notre époque. Ainsi, le fait que les adultes d’un établissement scolaire tiennent le même discours, parlent d’une même voix, fassent respecter les mêmes règles ne peut qu’avoir un effet bénéfique sur le climat général et donc sur les conditions de réussite des élèves.
Mieux vaut aussi une équipe pluriprofessionnelle pour suivre les élèves en difficulté. Elle offre la diversité de ses regards et de ses approches et permet de mieux cerner chacun dans sa globalité. Quant aux relations avec les parents, elles sont enrichies d’être portées par un échange avec l’ensemble de l’équipe en charge de leur enfant.
Force est de le constater, le travail en commun fait bouger les frontières traditionnelles des champs d’intervention professionnels. Il n’est donc pas sans effet sur l’exercice du métier. L’enseignant voit sa responsabilité sortir de la seule classe pour s’exercer au niveau de l’établissement, les membres de la vie scolaire appréhendent mieux ce qui se passe au niveau pédagogique dans la classe.
Mais chacun peut bénéficier des apports des autres. Et cet échange, la dynamique ainsi créée peuvent in fine servir de soutien aux jeunes enseignants et profiter aux élèves.
« Dès lors que des adultes se parlent, échangent, se complètent, s’enrichissent de leurs compétences réciproques, a ainsi confié Philippe Meirieu, l’élève a tout à y gagner. Parce qu’il y a une pluralité de regards, d’approches, et parce que chacun des adultes membres de l’équipe devient une équipe à lui tout seul, il pourra bénéficier des apports, de l’éclairage, des outils de chacun. C’est l’idée forte de l’intelligence collective : on est plus intelligent à plusieurs que seul.9 »

Pour approfondir cette notion de travail en équipe éducative, ce dossier apporte les éclairages de Philippe Perrenoud, chercheur en sciences de l’éducation, recense des expériences menées sur le terrain et présente un guide pratique ainsi qu’une sélection de ressources. Bonne lecture !


Dossier réalisé par Isabelle Sébert en collaboration avec Claire Lafage, documentaliste, et Marie-Line Périllat-Mercerot, enseignante.


3 « Violence scolaire : changer de paradigme », entretien avec François Jarraud (janvier 2008) www.cafepedagogique.net/
7 Entretien avec François Jarraud (mars 2006) www.cafepedagogique.net/
8 « Améliorer le travail collectif en établissement, chiche ! » (PDF, 1,6 Mo), Bulletin du centre Alain Savary XYZEP, n° 25, décembre 2006, p. 13.http://centre-alain-savary.inrp.fr/
9 In Fenêtres sur cours (PDF, 1,2 Mo), n° 294, 17 janvier 2007, p. 19 www.snuipp.fr/

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