sexta-feira, 3 de fevereiro de 2012

Pour ne pas sombrer comme la Grèce, le Portugal a besoin d'une intervention immédiate


Pour ne pas sombrer comme la Grèce, le Portugal a besoin d'une intervention immédiate

LEMONDE.FR | 02.02.12 | 19h50   •  Mis à jour le 03.02.12 | 08h02
Des milliers de Portugais, notamment des fonctionnaires, ont manifesté dans tout le pays le 24 novembre pour dénoncer les mesures d'austérité.
Des milliers de Portugais, notamment des fonctionnaires, ont manifesté dans tout le pays le 24 novembre pour dénoncer les mesures d'austérité.REUTERS/RAFAEL MARCHANTE

Les négociations autour de la restructuration de la dette grecque ont largement éclipsé les difficultés d'un autre pays du sud de l'Europe, le Portugal. Pourtant, les manifestations contre le plan d'austérité auquel il est soumis continuent. Jeudi 2 février, les transports publics urbains étaient paralysés pour la troisième fois depuis le mois de novembre.

Syndicats et travailleurs protestent contre la suppression d'emplois publics et la baisse des salaires imposées par le gouvernement portugais dans le cadre de la restructuration des entreprises nationales de transports – secteur dont la dette accumulée s'élevait fin 2010 à près de 17 milliards d'euros, soit près de 10 % du PIB national.
De plus, ce plan d'austérité prévoit une ambitieuse réforme du marché du travail, qui supprime entre autres quatre jours fériés et trois jours de congés payés, et assouplit les horaires de travail. S'ajoute à cela une hausse des impôts et une baisse du salaire minimum.
Tout comme en Grèce, ces mesures radicales conditionnent l'obtention de l'aide exceptionnelle de 78 milliards d'euros dont bénéficie le Portugal, dans le cadre d'un plan de sauvetage européen. L'objectif : empêcher à tout prix le pays de seretrouver dans la même situation qu'Athènes, dont le défaut de paiement pourraitintervenir fin mars, si les négociations en cours avec les créanciers n'aboutissaient pas en faveur d'une décote suffisante.
AUGMENTATION INQUIÉTANTE DES CDS
Or, le risque d'un défaut portugais se fait de plus en plus menaçant. Signe que ce scénario est sérieusement envisagé par les investisseurs, les taux d'emprunts à court terme sont plus élevés que ceux à long terme, qui ont eux-même pourtant fortement augmenté. Lundi, le rendement de l'emprunt portugais à dix ans s'inscrivait à 17,20 % – soit plus de dix points de pourcentage au-dessus du niveau généralement présenté comme intenable – alors que celui sur la dette à deux ans ressortait à 20,875 %. Rappelons que du fait de sa fragilité, les bons du Trésor portugais ont été "bannis" des marchés, au moins jusqu'en 2013.
Plus alarmant encore, le coût d'une assurance contre un défaut (CDS) portugais est monté en flèche depuis la dégradation de la note du pays, relégué, mi-janvier, dans la catégorie des fonds dits "spéculatifs" ("junk"). Le manque de confiance des investisseurs est tel que les banques exigent désormais que les CDS soient réglés comptant, ce qui n'est d'ordinaire pas l'usage. A ce prix, la dette portugaise est, juste derrière la grecque, celle qui coûte le plus cher à garantir.
"Le fait que le prix des CDS augmente est très inquiétant car c'est un phénomène auto réalisateur sur les marchés : dans l'économie réelle, si vous payez votre assurance auto plus chère, cela ne veut pas dire que vous avez plus de chances d'avoir un accident, alors que sur les marchés financiers, il y a une relation de parité entre la prime d'assurance et le taux d'intérêt auquel emprunte le pays. Dans le cas du Portugal, cela veut dire que le risque de défaut est plus élevé", s'alarmeAnne-Laure Delatte, économiste à la Rouen Business School.
"IL FAUT CASSER LA SPIRALE NÉGATIVE"
Pour autant, les risques pesant sur la dette portugaise sont difficilement comparables à ceux qui minent la Grèce, car l'endettement du Portugal est bien moindre. Sa dette publique en est le meilleur exemple puisqu'elle représente 101,7 % du PIB, quand Athènes cherche à ramener la sienne à 120 % du PIB d'ici à 2020, et ce après restructuration de sa dette. Mieux encore, le déficit public du Portugal devrait atteindre 4,5 % du PIB fin 2011, soit un taux bien en deçà de ce que Lisbonne s'était fixé comme objectif.
Et c'est justement la raison pour laquelle il faut agir tout de suite. "Il faut casser la spirale négative dans laquelle le Portugal est enfermé, car plus le paiement des intérêts augmente, plus sa dette augmente, donc il faut agir le plus rapidement possible pour ne pas reproduire l'erreur faite en Grèce, où on a laissé la situation s'aggraver pendant plus d'un an avant de réagir", prévient Mme Delatte.
Selon elle, "il faudrait que la Banque centrale européenne et le Fonds européen de stabilité financière se substituent de manière plus importante aux investisseurs et prêtent directement au Portugal, à des taux moins élevés". D'ailleurs, le rendement de l'emprunt portugais à dix ans ayant dépassé 17 % cette semaine, la BCE s'est vu contrainte d'intervenir pour acheter de la dette portugaise sur le marché secondaire.
"Si cela ne suffit pas, il faudra alors rapidement envisager une restructuration de la dette portugaise. Cela ne signifie pas forcément un défaut, mais plutôt, dans un premier temps, l'allongement de la maturité de la dette", estime Anne-Laure Delatte.
La situation est préoccupante, donc, mais une intervention rapide de la zone euro pourrait largement limiter la casse et éviter une redite du casse-tête grec, qui n'en finit plus de mobiliser acteurs du public et du privé et qui n'a, pour le moment, toujours pas trouvé d'issue.

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