quinta-feira, 16 de junho de 2011

Extrait des Pensées de Pascal (Tema do Exame de Filosofia, 16.06.2011)

Extrait des Pensées de Pascal


Extrait
« Chaque degré de bonne fortune qui nous élève dans le monde nous éloigne davantage de la vérité, parce qu’on appréhende plus de blesser ceux dont l’affection est plus utile et l’aversion plus dangereuse. Un prince sera la fable de toute l’Europe, et lui seul n’en saura rien. Je ne m’en étonne pas : dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr. Or, ceux qui vivent avec les princes aiment mieux leurs intérêts que celui du prince qu’ils servent ; et ainsi, ils n’ont garde de lui procurer un avantage en se nuisant à eux-mêmes.
Ce malheur est sans doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes ; mais les moindres n’en sont pas exemptes, parce qu’il y a toujours quelque intérêt à se faire aimer des hommes. Ainsi la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle ; on ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L’union qui est entre les hommes n’est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d’amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion.
L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soimême et à l’égard des autres. Il ne veut donc pas qu’on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur. »

Le corrigé

Dans ce texte, Pascal énonce un jugement général comme une sentence en opposant la bonne fortune à la verité. Le sens de bonne fortune peut ici poser quelques difficultés pour comprendre le texte et cependant s’explique par la suite : il ne s’agit pas des biens et des richesses, mais du hasard, du sort, de ce qui nous arrive, ce qui advient d’heureux (ou de malheureux) de manière plus ou moins fortuite. Le raisonnement de l’auteur explicite le lien entre cette fortune et la vérité qui est du domaine de la justesse et de la justice. Pascal veut montrer par l’expérience, la véracité du jugement formulé ; ainsi un prince sera victime de l’abus de flatterie de la part de ses sujets, ainsi les plus grandes fortune se laissent abuser, enfin même les amis ne sont pas sincères en ce qui concerne leurs jugements respectifs. On peut se demander sur quoi est fondé ce constat si attristé de la part de Pascal et si sous cet air de sentence il n’y a pas comme une leçon qu’il nous donnerait à propos de nos jugements de valeur et de nos comportements. Est-il vrai que toutes nos relations ne soient que tromperie et flatterie, est-il possible de fonder le lien social sur ce qui nous répugne en général le plus, nous qui nous réclamons de la vérité et de la justice ?

Premier moment
Pascal affirme que la réussite sociale est relative (« chaque degré ») à chacun et proportionnellement inverse à l’intérêt que l’on a à dire la vérité. Comment s’explique cette affirmation ? Qu’est-ce que l’intérêt ? C’est ici se servir des autres et en quelque sorte les utiliser pour arriver à nos fins qui est une ascension sociale. Dans notre intérêt, on ne dit pas la vérité parce qu’on risque de « blesser » dit Pascal ceux qui nous aident à nous élever. Ces hommes seraient donc déjà sûrs d’eux-mêmes et prompts à écouter nos flatteries ? C’est le cas du prince semble-t-il qui donne un caractère historique et exemplaire à l’argumentation de l’auteur. Ainsi cache-t-on la vérité au Prince car on a besoin de sa protection, de sa gouvernance. On peut, c’est le principe même de la cour en parler, et même le critiquer sans qu’il n’en sache rien. Quel intérêt avons nous ? Cela satisfait nos désirs égoïstes et nous nous faisons alors des illusions sur notre propre rang lorsque l’on se mesure au souverain et qu’on le transforme en « fable de toute l’Europe ».Qu’allons nous y gagner ? Nous ne gagnons pas mais évitons de perdre la confiance du prince en lui disant la vérité ; nous évitons de tout perdre.

Deuxième moment
Si nous ne perdons rien à cacher la vérité au Prince, c’est encore pour gagner dans l’échelle sociale la place et le rôle des plus grands. Venons en aux « plus grandes fortunes », ceux qui occupent des positions élevées, les riches, les puissants ont eux mêmes, comme « les moindres », intérêt à se faire aimer. Pascal passe encore des exemples particulier à une généralité, il y a toujours intérêt à être aimé des autres. Mais en quoi l’intérêt s’oppose-t-il à la vérité ? C’est que l’intérêt est fondé sur notre sensibilité et la vérité sur la raison (la réponse sera explicite en fin de texte). L’intérêt est un intérêt sensible, qui consiste à nous considérer nous mêmes avec bienveillance. Or la verité peut être blessante car elle s’oppose à nos illusions, à nos croyances ou aux certitudes que nous avons sur nous mêmes. La première illusion est celle de se croire différent de ce que l’on est. Mais mieux vaut l’accepter que de changer d’opinion sur nous mêmes. La seconde illusion est de penser que les autres sont à notre service et agissent pour nos propres désirs. A ce jeu d’aveuglement Pascal répond par le constat attristé de cette « illusion perpétuelle ». Nous préférons l’illusion à la verité, nous préférons nous tromper sur nous mêmes et tromper les autres plutôt que chercher la verité. La crainte, comme sentiment joue aussi un rôle dans ce jeu de miroir faussant chaque image : nous avons peur de dire ou d’accepter la vérité car nous avons peur des propos ou des jugements des autres. Voilà comment Pascal explique qu’on ne fait que « s’entre-tromper » et « s’entre-flatter ». L’illusion est elle préférable à la vérité ? Tout se passe comme si l’homme n’avait pas le choix, c’est le constat final de Pascal qui va l’expliquer.

Troisième moment
Ce sont dit Pascal les intérêts de chacun qui nous empêchent d’accepter la vérité. Mais il va encore plus loin en montrant que ces intérêts fondent toutes les relations : l’amitié comme la vie en société. Cependant ce jeu d’illusion entretiennent les relations entre les hommes et cette mutuelle tromperie  fonde tout lien entre eux. Il y a de quoi s’étonner du constat pessimiste de Pascal : la verité est-elle un obstacle à la société ? Les vices qu’il dénonce (déguisement, mensonge, hypocrisie) sont-ils le ciment de toute relation ?
Pascal répond à nos inquiétudes en distinguant le cœur, la sensibilité qui serait à l’origine de nos passions et intérêts privés et la raison, universelle et objective qui ne semble guère nous guider dans le fondement du lien social. Si le cœur établit et maintient le lien social cela veut dire que les hommes sont gouvernés par leurs appétits et leurs passions personnels et qu’il ne faut donc pas compter sur les hommes pour fonder la justice et la vérité ; reste à définir un intérêt général…

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