segunda-feira, 1 de agosto de 2011

Le fédéralisme économique est une question de survie pour l'Europe

Le fédéralisme économique est une question de survie pour l'Europe

Point de vue | LEMONDE.FR | 20.07.11 | 14h53   •  Mis à jour le 20.07.11 | 14h53
par Thomas Guénolé, doctorant en science politique (Cevipof), maître de conférences en mathématiques financières à Sciences Po

Les dettes publiques de la Grèce et de l'Italie ont atteint en 2010 respectivement 143 % et 118 % du PIB. Stigmatisant tour à tour la falsification par l'une de ses comptes publics, la surestimation par l'autre de son PIB, et plus largement le laxisme de leurs politiques budgétaires, nombre d'analyses ont qualifié ces pays de"passagers clandestins" du navire européen.
Cette approche tient lieu de justification morale punitive à des plans d'austérité extrêmement durs, qui tiennent pourtant plus de la saignée que du remède efficient. Elle oublie en outre que le véritable passager clandestin, en l'occurrence, est l'Allemagne.
A l'intérieur du marche européen, la réussite de l'Allemagne repose sur la compétitivité-coût. Elle l'a obtenue d'une part grâce à la compression des salaires, d'autre part grâce à la réduction des charges sociales au prix d'une augmentation de la TVA, ce qui revient à faire cofinancer sa protection sociale par des importateurs principalement européens. A l'extérieur du marché unique, sa réussite repose sur la compétitivité-qualité. Elle l'a accrue encore en inspirant la politique de taux élevés de la Banque centrale européenne, qui favorise les économies basées d'abord sur l'export, dont l'archétype est l'Allemagne, et défavorise les économies basées d'abord sur la consommation intérieure, dont l'archétype est la France. En d'autres termes, l'Allemagne pratique envers ses rivaux européens un dumping à la fois économique, social et monétaire, ce qui fait d'elle un passager clandestin autrement plus problématique que la Grèce.
Le commerce entre les pays émergents s'apprête à prendre durablement la première place mondiale en volume, tandis que leurs chefs de file deviennent des"pays émergés" aptes à bientôt surclasser les pays européens pris isolément. Dans ce contexte, passer au plein fédéralisme économique est pour l'Europe une question de survie. Cela implique notamment un budget commun d'au moins 15 % du PIB (soit la moitié du niveau américain) au lieu de l'actuel 1 %, une fiscalité commune pour empêcher le dumping irlandais ou allemand, des obligations d'Etat européennes plutôt que nationales, une politique monétaire pensée pour l'ensemble plutôt que pour la seule Allemagne, une monnaie commune à tous pour empêcherle dumping britannique, une R&D pilotée et budgétisée au niveau fédéral, un Etat fédéral bicaméral au président élu sur le modèle américain, et la naissance de l'administration fédérale afférente. Ce saut qualitatif ne pourrait être dans un premier temps que le fait de quelques pays pionniers, en comptant sur l'effet d'entraînement d'une dynamique politico-économique aussi ambitieuse que, par parenthèse, les marchés plébisciteraient.
L'ALTERNATIVE D'UNE UNION MÉDITERRANÉENNE
Si l'Allemagne s'avère réticente, la question de l'intérêt pour la France d'approfondir l'aventure européenne sur les bases actuelles devra être posée. Dans ce cas, l'alternative d'une Union méditerranéenne plus étroite peut être à la fois un levier de négociation efficace et une piste féconde en elle-même. La complémentarité économique de cet ensemble est de fait réelle : la rive Sud a les jeunes actifs, le potentiel élevé de croissance et la compétitivité-coût nécessaires au Nord ; la rive Nord a les capacités de formation, les grands groupes intégrés et la compétitivité-qualité nécessaires au Sud. Ne lui manque qu'une union politique plus approfondie, à laquelle les récentes révolutions arabes offrent une fenêtre d'opportunité historique.
Cette démarche ferait d'ailleurs sens historiquement et culturellement, puisqu'elle retrouverait l'espace géopolitique de l'Empire romain et laisserait l'Allemagnerenouer avec la Mitteleuropa bismarckienne. En outre, l'identité commune méditerranéenne est tout aussi légitime, voire davantage, que l'identité commune européenne, la France ayant par exemple davantage en commun avec le Liban qu'avec l'Estonie.
Proposer le plein fédéralisme européen, ou acter l'impasse et miser sur l'Union méditerranéenne : comme initiateur de l'embryonnaire Union pour la méditerranée et du fait du bilan flatteur de sa présidence européenne au plus fort de la crise, Nicolas Sarkozy est dans les deux cas légitime pour prendre une grande initiative politique. Au reste, quelle que soit sa direction, elle est préférable aux rustines politico-économiques qui prévalent depuis des mois.

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