Cessons de prendre les animaux pour des chaises !
Les philosophes Michel Onfray et Elisabeth de Fontenay, l'écrivain Erik Orsenna, l'astrophysicien Hubert Reeves, le moine bouddhiste Matthieu Ricard, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, l’historien et journaliste Jacques Julliard… Ils sont 24 au total : 24 intellectuels français à avoir signé un manifeste, rendu public le 24 octobre sur le site de la Fondation 30 millions d'amis, pour réclamer que notre Code civil cesse de considérer les animaux comme des chaises ou des tondeuses à gazon.
Le Code Napoléon l’écrit en effet noir sur blanc dans son article 528 : « Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère. » Autrement dit, et depuis 1804 : « Les animaux sont encore définis par le Code civil comme des choses, sur lesquelles l’homme peut par conséquent exercer un droit absolu », résument les signataires du manifeste. Précisant que la science a prouvé leur aptitude à ressentir de la peine, du plaisir ou de la douleur, ils rappellent que les animaux sont reconnus pour leur qualité d’« êtres sensibles » dans diverses réglementations françaises et européennes. Et demandent, en conséquence, que cette contradiction soit levée dans le droit français. Un pays d'éleveurs et de chasseurs où le sort réservé aux bêtes est vite perçu comme un mal nécessaire, dès lors qu'elles sont au service de l'économie.
« Pour que les animaux bénéficient d’un régime juridique conforme à leur nature d’êtres vivants et sensibles et que l’amélioration de leur condition puisse suivre son juste cours, une catégorie propre doit leur être ménagée dans le Code civil entre les personnes et les biens », détaillent-ils. Selon la Fondation 30 Millions d'amis, cette proposition a reçu le soutien de plus de 250 000 Français, signataires d'une pétition lancée il y a un an et toujours active. Cette évolution du Code civil serait d’autant plus cohérente que la France, depuis 1976, reconnaît dans son Code rural l'animal comme un « être sensible ». Et qu’elle a également choisi, lors de la réforme de son Code pénal (entrée en vigueur en 1994), de créer pour lui une catégorie à part, dite des « autres crimes et délits ».
Si le caractère sensible des animaux entre dans notre Code napoléonien, comme le réclame également une proposition de loi déposée en novembre 2012 par plusieurs députés UMP, quelle spécificité leur accorder ? Alors que j'interrogeais sur ce point Jean-Pierre Marguénaud, à l’occasion d’une enquête sur « Le droit d’être bête » parue dans le supplément Culture & Idées, ce professeur de droit à l'université de Limoges, fervent défenseur du droit animalier, suggérait de reconnaître à certains animaux une personnalité juridique comparable à celle dont bénéficient les personnes morales, syndicats ou associations. « La portée de cette réforme ne serait pas seulement symbolique, elle pourrait contribuer à déverrouiller le système, affirmait-il. Le décalage entre les textes et leur application est vieux comme le monde mais, en ce qui concerne les animaux, il s'agit d'un décalage sidéral. Changer leur statut juridique n'est donc pas anodin : le juge saisi de l'application des textes ne les interprétera pas de la même manière, selon que les animaux sont considérés comme des biens ou comme des personnes morales. »
Catherine Vincent
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