25/03/2011 à 00h00
L’UE veille son patient portugais
Analyse
Lisbonne, qui n’a pas su faire adopter son plan d’austérité, risque de devoir être placé sous perfusion par les Vingt-Sept.Par JEAN QUATREMER BRUXELLES (UE), de notre correspondant
Le Portugal a mis les pieds dans le plat des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne. Réunis depuis hier soir à Bruxelles afin d’apporter une réponse systémique à la crise de la zone euro, ils sont une nouvelle fois rattrapés par l’urgence : José Sócrates, le Premier ministre portugais, qui lutte depuis plusieurs mois pour éviter d’appeler à l’aide ses partenaires de la zone euro, a perdu son combat. Il a dû présenter sa démission mercredi soir, la droite et l’extrême gauche, majoritaire au Parlement, ayant refusé de voter le 4e plan d’austérité en un an destiné à endiguer le déficit et la dette publics. Cette crise politique devrait contraindre Lisbonne à avoir recours, à plus ou moins brève échéance, au Fond européen de stabilité financière (FESF) et au FMI. La défiance des marchés s’avère désormais totale et les taux d’intérêt qu’ils réclament absorbent les efforts lusitaniens.
Crainte.
Après la Grèce, en mai 2010, et l’Irlande, en novembre, c’est un troisième maillon faible qui risque d’être obligé de se placer sous le parapluie européen. Cette perspective n’enchante ni Berlin, ni Paris, ni la Commission, qui voulaient éviter que Lisbonne sollicite l’aide européenne. Leur crainte : un effet de contagion à l’Espagne, dont la chute pourrait avoir raison de l’euro. Voilà pourquoi les capitales européennes, notamment Berlin, faisaient pression sur Lisbonne pour qu’elle adopte un plan de rigueur de grande ampleur, et réussisse à convaincre que la situation n’est pas désespérée. D’où le plan négocié, le 11 mars, avec la Banque centrale européenne et la Commission. Mais c’était compter sans l’opposition qui voulait la peau de José Sócrates depuis longtemps.
Cet échec fait donc renaître le spectre de la contagion, même si la zone euro a tout mis en œuvre pour distinguer les situations portugaise et espagnole. José Sócrates va devoir s’employer à rassurer ses partenaires, qui vont eux-mêmes chercher à rassurer les marchés en adoptant définitivement des mécanismes destinés à la fois à empêcher que de telles crises se reproduisent et, dans l’immédiat, à donner à la zone euro les moyens d’y faire face.
À l’écart.
C’est tout l’enjeu de ce sommet à Vingt-Sept qui, sauf surprise, devrait entériner la véritable révolution à laquelle sont parvenus les 17 membres de la zone euro lors de leur sommet du 11 mars et de celui l’Eurogroupe qui a suivi. Ils ont notamment instauré une solidarité financière entre les dix-sept : le FESF va se transformer en Mécanisme européen de stabilité (MES), doté d’une capacité effective de prêts de 500 milliards d’euros à partir de juin 2013. Surtout, en l’autorisant à acheter directement de la dette publique auprès des Etats en difficultés, la zone euro a accepté de mutualiser une partie de la dette publique des Etats. Reste une question à laquelle personne ne veut répondre : pendant combien de temps faudra-t-il maintenir à l’écart des marchés les pays bénéficiant du MES ? Trois ans ? Personne n’y croit, vu l’ampleur des réformes à effectuer. Dix ans ? C’est plus probable…
Le second volet de cette réponse systémique est d’obliger les pays à faire converger leurs économies. Un vrai gouvernement économique de la zone euro est donc créé. Il sera assuré conjointement par la Commission et le conseil des chefs d’Etat de la zone euro. Le Pacte de stabilité, qui va être sérieusement renforcé, contraindra les Etats à respecter la discipline budgétaire. En outre, un pacte pour l’euro, définitivement adopté aujourd’hui, instaurera une politique économique commune destinée à interdire les divergences de compétitivité entre les dix-sept. Ainsi, en dix ans, il est devenu trois fois plus cher de fabriquer un grille-pain en Grèce qu’en Allemagne…
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