Face à
l'austérité, les Portugais se rebiffent
LE
MONDE | 11.07.2012 à 15h37 • Mis à jour le 11.07.2012 à
22h46
Par Claire
Gatinoi
Ils
ont longtemps été les élèves modèles de la zone euro. Ceux qui acceptaient,
presque sans broncher,
la médecine des
bailleurs de fonds du pays, la Banque centrale européenne (BCE), la Commission
européenne et le Fonds monétaire international (FMI).
Quand
les Grecs descendaient dans la rue, que les Espagnols s'indignaient, les
Portugais, eux, se résignaient face à une austérité visant à réduire le déficit
public de 9,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2010 à 4,7 % en 2012.
Ce
temps-là est-il révolu ? Mercredi 11 juillet, les médecins portugais devaient entamer une
grève de deux jours, promettant la plus forte mobilisation depuis vingt ans.
Les professionnels ne décolèrent pas et ont le soutien de patients exaspérés
de voir le
système de santé se dégrader.
Les
listes d'attente s'allongent avec le manque de personnel et les tickets
modérateurs sont en hausse pour les usagers du service public. Quant aux
médecins, ils acceptent mal de voir leurs
salaires réduits avec la suppression de leur quatorzième mois de salaire.
A
leurs côtés, les infirmiers exigent l'annulation d'une décision du gouvernement
de recourir à
des prestataires de services privés,
payés moins de 4 euros de l'heure, rapporte l'AFP.
HÔPITAUX SURENDETTÉS
L'objectif
du gouvernement est de faire faire
des économies aux hôpitaux surendettés. Et il y a urgence. Lundi 9 juillet, le
laboratoire allemand Merck KGaA, lassé de ses factures impayées, a menacé
de renoncer à
ses projets de recherche médicale au Portugal.
"Une confiance réciproque est un point important.
Mais le manque d'envie de l'Etat portugais de payer réduit
cette confiance", a expliqué Fritz Sacher,
représentant de Merck au Portugal dans le Financial
Times Deutschland.
Mais
cette fois-ci, les Portugais ne semblent pas disposés à se laisser faire.
La colère monte et se ressent dans la cote de popularité du gouvernement, en
baisse ces derniers mois.
C'est
que, depuis le début de l'année, "les gens commencent
véritablement à ressentir l'austérité
qui jusqu'ici restait très théorique, explique Diogo
Teixeira, du fonds d'investissement Optimize.
Les
fonctionnaires et retraités ont dû renoncer à
leur treizième et à leur quatorzième mois, qui servaient, bien souvent, à payer les
vacances et les impôts.
Ce
dispositif pourrait toutefois être remis en question en 2013. La Cour
constitutionnelle a estimé que cette mesure était inconstitutionnelle, car
inégalitaire, ne frappant qu'une partie de la population et imposée
sans limite de temps.
ZÈLE DU GOUVERNEMENT
Par
bravade ou souci d'orthodoxie budgétaire, le gouvernement de Pedro Passos Coelho
(PSD, centre-droit) a répliqué qu'il la rendrait constitutionnelle... en
exigeant des sacrifices équivalents aux Portugais du secteur privé.
L'Etat
ne veut pas se priver des
quelque 2 milliards d'euros apportés par ce dispositif. Avec une récession
estimée à 3 % cette année, "il est déjà difficile de tenir les
objectifs de déficit", constate Gilles Moëc, chez Deutsche Bank.
En
2011, poursuit-il, le transfert à l'Etat des réserves de retraite des banques
avait artificiellement réduit le déficit d'à peu près trois points de PIB. Une
telle aubaine ne se reproduira pas.
Mais
peut-être le gouvernement espère-t-il, en faisant preuve de zèle, avoir droit,
comme l'Espagne, à plus de temps
que prévu pour assainir ses
finances.
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