La Banque centrale, actrice et arbitre de la débâcle financière
Enquête dans le temple de l’euro
Indépendante des délibérations démocratiques, la Banque centrale européenne devait incarner la stabilité monétaire. Elle a conduit la zone euro au bord de l’éclatement. Pourtant, la crise a renforcé son pouvoir au point que le sort des salariés du Vieux Continent semble parfois se jouer à Francfort.
par Antoine Dumini et François Ruffin, novembre 2011
APERÇU
Au premier étage de la Banque centrale européenne (BCE), lors de sa dernière conférence de presse à Francfort, M. Jean-Claude Trichet entonne — en anglais — son couplet sur les « réformes structurelles ». Il le récite par cœur, sans doute : il y a huit ans, déjà, lors de sa première intervention en tant que président de la BCE devant les médias, il plaidait pour des « réformes structurelles sur le marché du travail ».Cette rengaine n’a (presque) rien de personnel. Son prédécesseur, M. Wim Duisenberg, la psalmodiait déjà chaque mois. Et ce dès le lancement de l’euro…
Mais ce jeudi 8 septembre 2011, la ritournelle se fait plus précise — malgré un langage parfois abscons : « Nous devons aller vers l’élimination des clauses d’indexation automatique des salaires et un renforcement des accords entreprise par entreprise, de manière à ce que les salaires et les conditions de travail puissent s’adapter aux besoins spécifiques des entreprises. Ces mesures doivent s’accompagner de réformes structurelles, en particulier dans les services — dont la libéralisation des professions fermées —, et, quand c’est approprié, de la privatisation de services aujourd’hui fournis par le secteur public, de manière à faciliter les gains de productivité et à soutenir la compétitivité. »
« On se croirait au Politburo de l’Union soviétique quelques mois avant sa chute, chuchote le député Vert européen Pascal Canfin, présent dans l’assistance. C’est la répétition d’un même discours, du même jargon, déconnecté de la réalité. » Le vice-président de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale au Parlement de Strasbourg poursuit : « Il s’agit d’un projet idéologique, sans rapport avec les causes de la crise. Je ne vois pas en quoi flexibiliser le marché du travail, casser les services publics ou faire primer les accords d’entreprise sur le droit du travail répondrait à la déréglementation financière. Les dirigeants de la BCE déroulent le programme du Fonds monétaire international (FMI), avec ses plans d’ajustement (...)
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