Délinquance : les élucubrations de Sarkozy sur le taux d’élucidation
- Par CÉDRIC MATHIOT
«Le Parti socialiste n’a pas voté le renforcement des fichiers des empreintes digitales et génétiques alors que ces fichiers ont permis de multiplier par deux le taux d’élucidation des crimes et des délits.»
Nicolas Sarkozy jeudi, dans sa lettre aux Français
INTOX
Dans sa lettre aux Français, Nicolas Sarkozy a glissé des promesses de candidat, mais aussi mis en valeur son bilan. Ainsi de la sécurité, domaine dans lequel il se félicite d’avoir obtenu, en dépit de l’opposition systématique du PS, des résultats spectaculaires. «Depuis 2002, le gouvernement a agi pour réduire l’insécurité dans notre pays. Le Parti socialiste n’a pas voté le renforcement des fichiers des empreintes digitales et génétiques alors que ces fichiers ont permis de multiplier par deux le taux d’élucidation des crimes et des délits.»
DESINTOX
Notons un petit progrès chez le Président. Lui qui a coutume d’affirmer qu’il a créé le fichier sur les empreintes génétiques des délinquants sexuels (en réalité créé en 1998) se contente cette fois de se féliciter de l’avoir modifié (en 2003, alors ministre de l’Intérieur, il a élargi ce fichier au tout-venant de la délinquance).
En revanche, la suite est tout à fait farfelue. Le taux d’élucidation des crimes et délits (qui correspond au ratio entre le nombre de faits élucidés sur une année et le nombre de faits constatés) n’a nullement doublé depuis 2002. Il est passé de 26,3% en 2002 à 38,6% en 2011. Une évolution qui ne signifie pas grand-chose, et ne peut en aucun cas être liée directement à l’apport des fichiers. Le maniement d’un indicateur global n’a aucun sens. La fréquence d’élucidation est très variable selon la nature des infractions. Les vols sont peu élucidés (autour de 15 %), quand d’autres faits le sont quasi systématiquement (plus de 90% pour les homicides). Faire une moyenne n’a guère de sens.
Il est tout aussi absurde d’observer les variations du taux moyen d’une année à l’autre : il suffit que le nombre de délits «facilement élucidables» augmente en proportion par rapport aux autres pour gonfler le taux moyen. C’est ce qui s’est passé entre 2001 et 2011. Une des raisons de l’amélioration du «taux d’élucidation» est ainsi l’augmentation du nombre d’infractions révélées par l’action des services (Iras dans le jargon). Il s’agit essentiellement des infractions à la législation sur les stupéfiants (interpellation d’un consommateur de drogue ou d’un dealer) ou des infractions à la législation sur les étrangers (interpellation d’un sans-papiers). Ces Iras sont par définition toujours élucidées. Alors que le nombre de faits constatés de délinquance a globalement baissé de plus de 15% de 2001 à 2011, les Iras ont augmenté de 75% sur la période, dopant mécaniquement le taux d’élucidation moyen.
On observe un phénomène comparable avec les «violences non crapuleuses». Ces infractions qui sont élucidées dans plus de trois quarts des cas ont beaucoup augmenté depuis 2003, gonflant là aussi le taux d’élucidation global. Mesurer l’évolution de l’élucidation ne peut donc se faire qu’en regardant isolément chacune des catégories qui constituent les faits de délinquance. L’évolution des ratios d’élucidation est alors moins spectaculaire. Ainsi, entre 2002 et 2011, le taux d’élucidation des violences non crapuleuses a grimpé de 71,4% à 76,5%, celui des infractions économiques a régressé de 55% à 52,1%. Le taux d’élucidation des crimes sexuels demeure stable autour de 75%. Enfin, le taux d’élucidation des atteintes aux biens a progressé de 10,5% à 15,1%. Une progression qui ne s’explique pas par une augmentation du nombre de faits élucidés (qui a stagné entre 2002 et 2011), mais par la baisse du nombre de faits constatés.
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