domingo, 9 de outubro de 2011

Pourquoi les banques ne voient pas la fin de la crise


LEMONDE.FR | 07.10.11 | 18h28   •  Mis à jour le 07.10.11 | 19h20


La presse allemande soupçonne la France de vouloir puiser dans les fonds européens plutôt que dans ses propres caisses pour aider les banques, de peur de perdre sa précieuse note de solvabilité "AAA".
La presse allemande soupçonne la France de vouloir puiser dans les fonds européens plutôt que dans ses propres caisses pour aider les banques, de peur de perdre sa précieuse note de solvabilité "AAA". AFP/DAMIEN MEYER
Alors que le pire semblait passé, les banques européennes, pourtant réputées pour leur solidité, sont victimes d'une crise de défiance sans précédent. Comment ont-elles échoué à rassurer sur leur capacité à surmonter la crise ?
  • 2001 - 2008, une courte décennie de flambe
Septembre 2001. Quatre avions détournés s'écrasent aux Etats-Unis et sonnent le glas du XXe siècle. La bulle Internet, hypertrophiée, achève de se dégonfler dans le sillage du moral de l'Amérique.
Résiliente, celle-ci relève la tête. Six ans plus tard, les stigmates ne se voient plus. Europe, Chine, Inde, Etats-Unis, Brésil... La croissance fleurit à de nombreux endroits du globe, et les places boursières se refont une santé.
Mais au premier semestre 2007, après plusieurs années d'euphorie, les marchés commencent à se retourner. Très vite, la crise boursière contamine les banques, américaines dans un premier temps. A l'époque, on croit encore que la crise restera sur le sol américain. En effet, il n'y a que les Américains pour inventer les subprimes, pense-t-on, ces crédits immobiliers "pourris", accordés à des particuliers trop modestes pour contracter un prêt dans des conditions normales.
Frappé par la conjonction d'une forte hausse des matières premières, d'un effondrement de l'immobilier et des marchés d'actions, le secteur bancaire américain est violemment secoué dès 2008. Premières victimes de ce séisme : de grandes banques d'investissement pourtant bien capitalisées et extrêmement bien notées, tel Lehman Brothers, incapables de gérer leur exposition aux actifs toxiques, dont les fameux produits dérivés issus de la titrisation des subprimes.
  • Les banques : premières coupables, premières blanchies
En 2008, le refinancement des banques pose déjà problème : elles subissent de plein fouet un "credit crunch" lié à des tensions sur le marché interbancaire, dont les premiers signes étaient palpables dès l'été 2007. En effet, les banques prêtent toujours un peu plus d'argent qu'elles n'en possèdent, elles doivent donc trouver la différence en empruntant sur le marché interbancaire. Si elles n'y parviennent pas, elles sont obligées de trouver leur financement ailleurs. En dernier ressort, c'est à l'Etat qu'il revient d'assumer cette tâche.
Face à l'ampleur du choc, les gouvernements interviennent rapidement. La Federal Reserve (banque centrale américaine) procède à la nationalisation des établissements les plus en difficulté (Fannie Mae, Freddy Mac, AIG). En France, la Société de financement de l'économie française se porte au secours des établissements à la peine pour redresser la barre.
Dexia, sur la sellette pour avoir avalé 6 milliards d'euros de fonds publics pour serenflouer et pour avoir distribué des bonus indécents à ses dirigeants dans la foulée, et échoué à apurer un bilan plombé par les subprimes et les crédits municipaux, est l'une des premières banques à obtenir l'aide de l'Etat en 2008. Deux ans plus tard, elle passe les tests de résistance organisés par l'Autorité bancaire européenne (EBA) haut la main. Aujourd'hui, elle fait l'objet d'une véritable faillite organisée.
Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI à l'époque, demande alors aux banques européennes, pourtant réputées plus solides que leurs concurrentes américaines, de se préparer "au pire scénario". De leur côté, les banques centrales surestiment leur capacité de résistance. Les règles de Bâle II, qui viennent d'entrer en vigueur dans la plupart des pays signataires, ne prévoient même pas l'éventualité d'un risque systémique, c'est-à-dire d'un "effet domino" des faillites de banques, du fait de leur interdépendance.
La série de tests de résistance menés par l'EBA, en 2010 et début 2011, achève de convaincre les acteurs de l'économie que l'immense majorité des banques européennes sont suffisamment capitalisées et solides. La méthode de ces tests est pourtant largement critiquée : on leur reproche de ne pas envisager dans leurs scénarios le risque de défaut d'un membre de la zone euro. Il est vrai qu'en 2010, personne ne croit encore sérieusement que la Grèce puisse se déclarer en cessation de paiement. Depuis, les avis ont changé.
  • Des subprimes à la dette grecque : d'une crise l'autre
Dans la foulée des stress tests, la crise bancaire n'apparaît plus comme une menace. Malheureusement pour l'économie mondiale, et surtout européenne, une autre arrive, celle de la dette. Et elle arrive beaucoup plus tôt que prévu, alors que la conjoncture mondiale peine à se redresser et que les craintes d'une double récession ("double dip") se précisent.
Or trois ans à peine après le plus fort de la crise financière, les plaies ne sont pas cicatrisées. Les bilans bancaires n'ont pas soldé tous les actifs toxiques hérités de la période des subprimes, pas plus qu'ils n'ont réduit leur exposition aux dettes devenues "pourries", comme celle de la Grèce. "Dans une crise bancaire, il y a des effets d'inertie liés au contenu même des bilans, ça n'est pas qu'une question d'activités et de comptes d'exploitation"soulignait en début de semaine Rémi Legrand, associé au sein du cabinet de conseil Eurogroup et professeur à Sciences Po. Il faut selon lui bien plus de trois ans pour changer la structure d'un bilan.
  • Pourquoi le ratio Core TIER 1 n'est plus un argument
La question des fonds propres est au cœur de la crise bancaire, et ce pour deux raisons. D'une part, les dépréciations d'actifs ont largement contribué en 2008 àfaire fondre ces fonds propres. Ce qui n'est pas sans conséquence sur le financement de l'économie et la croissance : moins la banque possède de fonds propres, moins elle peut accorder de crédits.
Il est vrai que si l'on s'en tient aux chiffres, les ratios Core TIER 1 des banques européennes sont loin d'être mauvais : les banques anglaises sont à 9 % (pour mémoire, les exigences de Bâle III, qui doivent être mises en œuvre à partir de 2013, imposent un ratio de 4,5 %, et la France n'est pas très loin derrière, avec des ratios qui tournent, pour la plupart des grandes banques hexagonales, autour des 7 %.
Mais la définition du Core TIER 1, et surtout la façon dont les banques le constituent, manque de transparence aux yeux d'un certain nombre d'économistes, comme le souligne un analyste de Citi cité vendredi par le Financial TimesCette opacité, qui a suscité la controverse lors de la publication des derniers stress tests, a cependant été largement éclipsée par le dévoilement de l'exposition des banques aux dettes souveraines, présentée comme le résultat le plus important des tests.
Or s'il est possible de mettre tout et n'importe quoi dans la colonne Core TIER 1, toute déclaration des banques ("nos fonds propres sont au-dessus de la barre des 10 %") ou du FMI ("les banques sont sous-capitalisées") devient sujette à caution.
Les économistes sont désormais de plus en plus nombreux à estimer que le ratio Core TIER 1 devrait atteindre les 15 ou 20 % au lieu des 6 % requis par Bâle III, surtout s'il faut remettre en route la machine à crédits.
D'autre part, la "course à la vertu" en matière de fonds propres peut entraîner des effets pervers : c'est justement parce que ces fonds leur coûtaient cher à garder en réserve que les banques américaines ont, avant la crise, liquidé un certain nombre d'activités gourmandes en capital. Et le crédit en est une, d'où le recours massif à la titrisation, qui permet de vendre un crédit et de le céder tout aussitôt, afin de lefaire disparaître de son bilan, pointe un rapport de la Documentation françaisepublié en 2009. L'argent économisé a ensuite été placé sur les marchés, qui à l'époque offraient de belles perspectives de gains.
  • Excès d'optimisme et complot américain
Pourquoi donc, après l'intervention de l'Etat, après Bâle III, après les stress-tests, les banques sont-elles toujours incapables de démontrer leur solidité ? Les raisons sont nombreuses.
Tout d'abord, parce que ni Bâle III ni les stress tests n'ont d'effet sur le refinancement et sur la crise de crédibilité des banques : tant que les marchés continuent à estimer que les banques restent sous-capitalisées par rapport à leur bilan, elles restent pénalisées. Cette inquiétude ne relève pas du fantasme : il reste encore beaucoup trop d'actifs "pourris" en circulation, comme l'a prouvé le cas Dexia.
C'est précisément la taille énorme et la structure des bilans (trop d'exposition à la Grèce, à l'Italie...)  qui ont entraîné la dégradation de note de la Société générale et du Crédit agricole mi-septembre par l'agence Moody's. La cure d'amaigrissement a commencé chez BNP et à la Société générale. Dexia aussi en avait fait l'annonce au mois de septembre, mais c'était déjà trop tard.
Le risque de liquidité a en outre été largement sous-estimé par les banques elles-mêmes, qui n'envisageaient pas que le marché interbancaire puisse se gripper. Les banques ne se prêtent plus entre elles, les Etats ont de moins en moins de marge de manœuvre pour les renflouer. Outre-Atlantique, la défiance est telle que la Fed et les fonds américains ne veulent plus investir en France, quitte à nourrir un sentiment de complot contre l'euro.
Enfin, le retour d'une croissance durable était attendu plus tôt. Christian Noyer, président de la Banque de France, estimait en octobre 2008 que le rebond de la croissance, annoncé pour le second semestre 2009, était "insuffisamment pris en compte". Cet excès d'optimisme a sans doute nourri une certaine désinvolture de la part des banques vis-à-vis de leur bilan, qu'elles ont trop tardé à assainir.
  • Automne 2011, à la recherche d'une solution pérenne
Trois ans après le début des déboires du secteur bancaire, il est nécessaire deprovoquer un nouveau "choc de confiance", mais l'absence de consensus à l'échelle européenne se fait durement ressentir. La France craint notamment deperdre sa note AAA, qu'elle a – miraculeusement – conservée depuis le début de la crise, ce qui aurait pour effet supposé de renchérir le prix de son financement sur les marchés (hausse du taux des obligations françaises).
Une obsession qui n'a pas grand sens, estiment les économistes Henri Sterdyniak et Catherine Mathieu, de l'Observatoire français des conjonctures économiques : àpartir du moment où il y a souveraineté monétaire, un défaut est impossible àenvisager. Et de rappeler que "le Japon (...) s'endette à 10 ans à 1 % malgré une dette de 210 % du PIB, les Etats-Unis (...) s'endettent à 2 % avec une dette de 98 % du PIB, le Royaume-Uni (...) s'endette à 2,5 % pour une dette de 86 % du PIB".
La seule solution à leurs yeux est donc une mutualisation de la dette européenne :"les Etats membres de la zone euro doivent retrouver leur souveraineté monétaire par la garantie conjointe quasi-intégrale des dettes publiques". La mesure est coûteuse, mais les grands argentiers sont à court de munition.
En attendant, la BCE a ressorti de ses tiroirs des mécanismes hors normes pourparer au plus pressé : prolongation du système permettant aux banques d'emprunter de manière illimitée et à taux fixe jusqu'à juin 2012, et prêts d'argent aux banques sur un an, une durée exceptionnellement longue.
Mercredi, le FMI s'est immiscé dans le débat lorsque son directeur Europe, Antonio Borges, a évoqué au cours d'une conférence de presse la possibilité pour le Fonds d'intervenir en achetant de la dette de pays en difficulté, par l'intermédiaire d'un véhicule ad hoc. Les pays membres du FMI les plus dotés en devises, la Chine au premier rang, pourraient être intéressés par l'achat de cette dette.
Le dispositif n'est pas nouveau, a pointé M. Borges, un véhicule du même genre, le "Oil facility", a été créé dans les années 70, à la suite du choc pétrolier, pourpermettre aux pays producteurs enrichis par la hausse des cours de prêter de l'argent aux pays dont cette hausse a creusé les déficits. Le "Oil facility" s'est éteint en 1982, lorsque le Mexique s'est déclaré en cessation de paiement.

Audrey Fournier

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