Dans les arcanes de la fraude fiscale
par Guillaume Pitron, juin 2011
Révélées par la crise financière en 2008, les pratiques frauduleuses de la Liechtenstein Global Trust et de la banque suisse UBS permettaient à des contribuables européens et américains de dissimuler leur fortune. C’est le point de départ de Xavier Harel, qui dissèque les dessous de l’évasion fiscale : une industrie où soixante-dix « passagers clandestins de la mondialisation » rivalisent d’ingéniosité et de souplesse pour attirer discrètement l’argent des milliardaires et des multinationales (1). Journaliste à La Tribune, l’auteur décrit avec pédagogie l’infinie variété d’instruments financiers, de montages et d’acteurs impliqués. Certes, la construction générale de l’ouvrage ne paraît pas toujours logique et la pertinence du propos échappe parfois dans les derniers chapitres. Néanmoins, le choix d’ouvrir sur la « déclaration de guerre » du G20 aux paradis fiscaux, puis de mettre progressivement en perspective les effets d’annonce avec les actes, renforce la démonstration de l’hypocrisie de dirigeants, peu pressés de s’attaquer à un système dont ils tirent souvent le meilleur parti.
C’est précisément à l’analyse de ce « système » que s’attaque Jean de Maillard. Inlassable contempteur de la criminalité économique née de la dérégulation des marchés, le magistrat français avait toujours jugé la fraude marginale au capitalisme, supposé par essence vertueux. Or, avec L’Arnaque, il observe dorénavant l’économie de marché en train de se corrompre de l’intérieur (2). En effet, une nouvelle forme d’infraction se propage en son sein : la « fraude de système ». En replaçant son propos dans une perspective historique, Maillard décrypte des marchés financiers livrés à la spéculation sur les matières premières et à la multiplication des chaînes de Ponzi, ces pyramides frauduleuses dont M. Bernard Madoff fut l’un des architectes renommés.
Cette « criminalité systémique », qui a atteint son paroxysme en 2008-2009 avec la crise des crédits subprime, est d’autant plus pernicieuse qu’elle est rarement sanctionnée. Et pour cause : les pouvoirs publics se montrent incapables d’y apporter une réponse normative. Or, lorsque ce sont les « escroqueries légales » qui deviennent la norme, plus personne n’assume les crises à répétition, sauf, en dernier recours, le contribuable. Conscient de la nécessité de redessiner les frontières du droit et du non-droit, Maillard suggère de nombreuses pistes de réflexion. On regrettera toutefois que l’auteur n’ait pas enrichi ses analyses de l’expérience de terrain du magistrat.
Guillaume Pitron
Journaliste.
Sem comentários:
Enviar um comentário