LEMONDE.FR | 24.11.10 | 16h31 • Mis à jour le 24.11.10 | 19h03
Le sort de l'Irlande à peine scellé, les observateurs de la zone euro ont tourné les yeux vers le Sud. Le Portugal est désigné comme le successeur le plus probable de l'Eire dans la liste des bénéficiaires d'un plan de soutien européen. Ses faiblesses sont pourtant bien différentes de celles qui ont mis le Tigre celtique à terre. Le Portugal est victime d'une mauvaise gestion des comptes publics et d'une croissance en berne, une situation qui se rapproche plutôt du cas grec.
UNE ÉCONOMIE QUI MANQUE DE DYNAMISME
Comme l'explique Céline Antonin, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le Portugal et la Grèce "ont en commun d'importants problèmes structurels datant d'avant la crise : un fort endettement des ménages – le taux d'épargne au Portugal est le deuxième plus faible de la zone euro après la Grèce –, une baisse de compétitivité, une stagnation de la consommation intérieure..." A ces difficultés s'ajoutent, pour le Portugal en particulier, une croissance qui n'a jamais décollé : 1,3 % par an entre 2000 et 2008, contre 3,9 % pour la Grèce et 5 % pour l'Irlande.
Contrairement à l'Irlande, qui a su attirer des industries de haute technologie avec des moyens contestés – une fiscalité sur les entreprises très basse, parfois considérée comme de la concurrence déloyale –, l'économie portugaise repose sur des secteurs peu porteurs. Son industrie textile, notamment, a beaucoup souffert de la concurrence asiatique. Le Portugal a vu ses exportations chuter au cours des années, ce qui a pesé sur sa croissance et sur les efforts faits pour assainir ses finances publiques. Point positif : son secteur bancaire n'est pas en difficulté.
Le pays, accusé comme la Grèce d'avoir trop dépensé ces dernières années pour soutenir sa consommation intérieure, a fait preuve, sous la pression de l'Europe, de bonne volonté dans les années 2000 pour réduire son déficit. Mais ses efforts ont été handicapés par une croissance faible, et le déficit portugais reste à un niveau très élevé, à 7,3 % du PIB en 2010.
DES COMPTES PUBLICS DANS LE ROUGE
Lorsque la crise est arrivée, le Portugal avait peu de marge de manœuvre. "Beaucoup de pays ont mis en place des politiques de relance. Au Portugal, la relance a été tardive et limitée, car il était difficile de creuser davantage la dette," explique Céline Antonin. Le PIB a reculé de 2,5 % en 2009, plombant encore la situation budgétaire du pays.
Le gouvernement du socialiste José Socrates s'est engagé à ramener le déficit à 4,6 % du PIB l'an prochain, et ne ménage pas ses efforts pour rassurer les marchés. Il a décidé début septembre des mesures de rigueur drastiques, qui devraient être définitivement approuvées lors du vote du budget, vendredi 26 novembre.
L'attitude des autorités portugaises est vue par ses partenaires comme un point positif pour le pays. "Le Portugal ne montre pas de laxisme budgétaire, il y a au moins des signes de bonne volonté, explique Céline Antonin. L'objectif [de la rigueur] est à plus long terme, à l'horizon 2013. Mais ces mesures restrictives auront un prix pour la population..."
L'AUSTÉRITÉ SANS CERTITUDE
Hausse de deux points de la TVA à 23 %, gel des retraites, baisse des salaires des fonctionnaires, plafonnement des aides sociales... Les mesures devraient provoquer dans un premier temps, selon le gouvernement portugais, un ralentissement de la croissance l'an prochain à 0,2 % et une hausse du chômage prévue à 10,8 %
Malheureusement pour le gouvernement, qui s'est aliéné une grande partie de la population, il n'est pas certain que ces mesures impopulaires atteignent leur objectif : rassurer les marchés et éviter un destin à l'irlandaise. "Personne ne prend de telles décisions de gaieté de cœur", a répété ces dernières semaines le chef du gouvernement. Mais, a-t-il insisté, "c'est la seule façon de protéger le pays contre la turbulence des marchés financiers".
"Sur le coup on pensait que ça rassurerait les marchés, mais ça n'a pas vraiment fonctionné, constate l'économiste de l'OFCE. "Quand on regarde les taux obligataires, on n'est pas très loin des taux irlandais." Le Portugal espérait que l'annonce officielle, dimanche, du plan de sauvetage à Dublin allait lui offrir un peu de répit, en rassurant les marchés sur d'éventuels risques de contagion. La tendance observée en début de semaine était plutôt pessimiste à cet égard : le taux d'intérêt à 10 ans pour les bons du Trésor portugais a grimpé lundi malgré l'accord de l'Irlande, et a encore augmenté mercredi, dépassant les 7 %.
Mercredi, les Portugais se sont massivement mobilisés à l'appel des syndicats pour protester contre l'austérité, mais José Socrates, à la tête d'un gouvernement socialiste minoritaire, a annoncé qu'il ne céderait pas. Espérant ne pas connaître le même sort que son homologue irlandais, qui fait les frais du plan de sauvegarde, le premier ministre a réaffirmé mardi que "le budget qui va être approuvé vendredi défend l'emploi et l'économie".
Marion Solletty
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